Voltaire : traité sur la tolérance (extrait 7) ; le Christ intolérant ?

« Voyons maintenant si Jésus Christ a établi des lois sanguinaires, s’il a ordonné l’intolérance, s’il fit bâtir les cachots de l’Inquisition, s’il institua les bourreaux des autodafés. Il n’y a , si je ne me trompe, que peu de passages dans les évangiles, dont l’esprit persécuteur ait pu inférer que l’intolérance, la contrainte sont légitimes. L’un est la parabole dans laquelle le royaume des cieux est comparé à un roi qui invite des convives aux noces de son fils. Ce monarque leur fait dire par les serviteurs : « j’ai tué mes bœufs et mes volailles. Tout est prêt, venez aux noces. » Les uns, sans se soucier de l’invitation, vont à leurs maisons de campagne, les autres à leur négoc, d’autres outragent les domestiques du roi et les tuent. Le roi fait marcher ses armées contre ces meurtriers et détruit leur ville ;Il envoie sur les grands chemins convier au festin tous ceux qu’on trouve ; un d’eux s’étant mis à table sans avoir mis la robe nuptiale, est chargé de fers et jeté dans les ténèbres extérieures.(…)L’invitation au festin signifie la prédication du salut ; le meurtre des envoyés du prince figure la persécution contre ceux qui prêchent la sagesse et la vertu. L’autre parabole est celle d’un particulier qui invite ses amis à un grand souper et lorsqu’il est prêt de se mettre à table, il envoie ses domestiques les avertir. L’un s’excuse sur ce qu’il a acheté une terre et qu’il va la visiter, (…)un autre dit qu’il a acheté cinq paires de bœufs et qu’il doit les éprouver (…)un troisième répond qu’il vient de se marier. Le père de famille en colère(…) dit à son valet : « allez dans les grands chemins et le long des haies et contraignez les d’entrer. » On n’a que trop abusé de ces paroles : contrains-les d’entrer. Mais il est visible qu’un seul valet ne peut contraindre par la force tous les gens qu’il rencontre à venir souper chez son maître et d’ailleurs des convives ainsi forcés ne rendraient pas le repas fort agréable. Contrains-les ne veut pas dire autre chose, selon les commentateurs les plus accrédités, sinon priez, conjurez, pressez, obtenez. Quel rapport , je vous prie, de cette prière et de ce souper, à la persécution !

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