Le procès d'Allah (4)

La première partie du Procès d'Allah a été postée le 15 avril; . Le second épisode a été posté le 22 avril.. Le troisième épisode date du 29 avril:

Nous invitons les lecteurs à lire les feuilletons dans l'ordre...

François WAHA

Le procès d'Allah (4ème partie)

REPRISE DES DEBATS.

La salle est comble. Il ne semble pas qu’il y ait des absents. La Cour prend place. Le président balaie la salle du regard. Allah est déjà dans son box entre deux gendarmes. Son avocat, maître Muhammad, est devant lui, comme un bouclier vivant. Il n’y a pourtant ici pour projectiles que des mots…Le Président ouvre la séance :

« Nous appelons à la barre, Yvan Razoum . Je suppose que je ne dois pas ajouter, le plus influent des philosophes actuels. Monsieur Razoum, veuillez préciser à haute voix à quel titre vous êtes partie à ce procès ? »

« Au titre de non-croyant menacé de mort à plusieurs reprises dans le Coran et donc par Allah. J’ai remis au greffier la liste des versets en cause, que la Cour et les jurés pourront consulter. Notre crime aux yeux d’Allah : ne pas croire en lui ! Nous autres philosophes ne croyons pas, en effet, aux apparitions, aux miracles, à une vérité révélée à un seul individu. Nous faisons usage de la raison, une faculté humaine dont les croyants de toutes orientations prétendent qu’elle nous fut donnée par leur dieu avec prière de nous en servir ? Comme le rappelle Jacques Berque dans son ouvrage « L’Islam au temps du monde » « le terme raison revient quarante-quatre fois dans le Coran. Qui dira que ce soit pur hasard ? » Et il raconte ce dialogue entre le Prophète et un de ses compagnons qui lui demande conseil : « Sur quoi baser mes jugements ? – Sur le Coran ! – Et si le Coran n’a rien spécifié ? – Sur la Sunna ! – Et si la Sunna n’a rien spécifié ? – Sur l’Ijma (ou consensus) des compagnons ! – Et s’ils n’ont rien dit ? –Sur ta propre raison ! »

Les croyants donc, ne font usage de leur raison qu’en dernier recours. Nous, nous nous basons d’abord et avant tout sur la raison. La foi est à l’origine de guerres sanglantes innombrables, d’atrocités sans nom. Ne rappelons qu’un seul cas significatif. Celui du jeune chevalier de la Barre qui, à 19 ans, a été exécuté, dans des conditions abominables, pour ne s’être pas découvert au passage d’une procession. C’était il y a trois siècles à peine ! La raison et la philosophie, sa fille, se sont toujours opposées à la folie guerrière. La foi proclame la guerre « sainte ». Tandis que pour les philosophes, la raison et la guerre sont antinomiques. Toute guerre est « déraisonnable ». En condamnant à mort les libre-exaministes, les non-croyants et les athées, Allah se prononce pour la guerre, contre la paix. Il doit être condamné du chef de « crimes contre l’Humanité » en raison du nombre d’atrocités qu’il a laissé se commettre en son nom. Il va de soi que Pierre et Paul, qui ont fondé l’Eglise de Rome, seront poursuivis pour les mêmes raisons et aussi sévèrement punis ? »

Yvan Razoum retourne vers son siège et croise Mohammed Roublardeg, à qui le greffier a fait signe de s’avancer. Un quinquagénaire ossu, ventru, barbu, l’air assuré du parvenu prend le relais…de la partie adverse. Il représente les commerçants musulmans du pays.

« Monsieur Roublardeg, vous affirmez que les commerçants musulmans sont victimes d’actes de « racisme » ? Pouvez-vous nous en apporter la preuve ?

« Oui, Monsieur le Président, des femmes européennes qui ne portent évidemment pas le voile - Allah leur pardonne ! – demandent de la viande de porc dans une boucherie qui mentionne clairement « viande Hallal ». C’est de la provocation « raciste »

« Excusez-moi, Monsieur Roublardeg, mais il me semble que ces personnes mettent en cause une pratique religieuse et…. »

Le témoin coupe la parole au Président : « c’est la même chose ! Attaquer notre religion c’est du racisme ! »

Le Président, blême : « On ne peut laisser s’accréditer un tel amalgame. Le « racisme » considère que tous les individus d’un groupe donné sont supérieurs ou inférieurs à tous les individus d’un autre. Ceci n’a rien à voir avec le fait de ne pas accepter un rituel religieux ! »

Roublardeg : « Hier encore, dans la cour de récréation de son école, mon plus jeune fils s’est fait traiter de « bougnoule ». C’est pas du racisme, ça ? »

On voit que maître Muhammad est mal à l’aise de voir un témoignage fait sur un ton si agressif qu’il ne peut que desservir la cause de l’accusé.

Le Président : « Ici, effectivement, ce peut l’être. Si vous avez identifié l’auteur de cette insulte, vous pouvez le dénoncer à la police ?

« La police ? Je sais ce qu’elle va me dire, la police. Hé Mohamed, tu ne crois pas qu’on a autre chose à faire que de nous occuper d’insultes entre deux gamins ? Et ce sont NOS policiers qui nous nous disent ça. Faut pas demander ce que c’était dans le temps, quand il n’y avait que des policiers et même des policières européens !

Quand vous voulez louer un appartement vous allez d’un refus à l’autre, sous différents prétextes : il vient d’être loué, ma fille vient de me dire qu’elle viendra habiter avec moi, c’est trop petit pour une famille nombreuse »,

« Et combien d’enfants avez-vous ?

« Huit, Monsieur le Président, trois garçons et cinq filles. »

« C’est effectivement une grande famille. »

« Mais avec deux femmes.»

« Vous admettrez qu’il faut déjà un appartement hors du commun pour vous loger. La propriétaire peut estimer que son appartement ne peut accueillir un si grand nombre de personnes ? »

« Ce n’est pas le propriétaire qui doit me dire comment je dois vivre. Nous nous débrouillons fort bien. »

« Je vous remercie pour votre information sur des incidents vécus. Témoin suivant s’il vous plaît, monsieur le greffier »

Un homme relativement jeune se lève, ouvre son manteau gris, s’en extrait et apparaît dans un maillot noir et blanc.

« Que signifie cette mascarade ? » s’écrie le Président visiblement irrité.

« C’est loin d’être une mascarade, Monsieur le Président. C’est l’affirmation d’une conviction : l’esprit de contradiction – noir contre blanc – est le moteur de l’intelligence. J’étais chansonnier. Durant vingt ans j’ai eu le bonheur de faire rire les gens au cabaret comme à la télévision. Je les faisais réfléchir en même temps sur les supercheries du pouvoir. Jusqu’au jour où sont apparus les barbus et les voilées de l’Islam. Tout à coup : fini de rire ! Fini de « dénigrer » (entendez « critiquer ») les saintes religions. Excepté les sectes, ces rivales, bien entendu. Par esprit de tolérance et pour ne pas être suspectés de « racisme », les dirigeants de télévision se sont soumis devant les barbus, comme ceux-ci se soumettent à Allah : à plat ventre, le cul en l’air. Au nom de la « diversité culturelle », ils ont trahi et sacrifié la nôtre. Ils m’ont sacrifié du même coup, me faisant passer pour un suppôt du Diable. Je ne pouvais plus dire que ce qui ne faisait de mal à personne et plaisir à tout le monde ! Je m’y suis refusé, car les banalités, si elles rassurent, ne font ni rire, ni réfléchir. Si j’avais accepté, j’aurais eu l’impression de participer à une vaste opération de décervelage.

Je ne suis pas suppôt du diable, Monsieur le Président, je suis le Diable lui-même. Je suis Lucifer – celui qui porte la lumière aux Hommes. L’ange qui a osé s’opposer à la Toute-puissance autoritaire et arbitraire de Dieu. Je suis l’opposition au pouvoir absolu. Je suis le contre-pouvoir permanent. Et je reprends à mon compte l’un des slogans les plus percutants de mai 1968 : « Interdit d’interdire ». Je suis la contradiction fondamentale. Je suis pour l’intelligence contre la bêtise, pour la justice contre l’arbitraire, pour la liberté d’expression totale contre la censure sous toutes ses formes et ce qui mène à l’autocensure, pour la lucidité contre l’aveuglement. Je rapporte la lumière là où est passé l’éteignoir.

Aujourd’hui, Monsieur le Président, je fais partie d’un groupe de résistance qui a pour nom de code : « Lucifer ! ». Comme vous vous en doutez, nous ne respectons pas le couvre-feu. Sur la putréfaction de ce qui fut NOTRE civilisation, nous faisons danser les feux-follets, symboles de liberté et de joie.

Voilà ! J’espère avoir pu éclairer un peu davantage encore la Cour et les jurés…

Le Président, visiblement rasséréné, clôt l’audition de témoins et propose aux membres du jury de se retirer pour délibérer. Ils seront accompagnés d’un juge de la Cour internationale qui n’est pas engagé dans la cause, bien sûr, et dont la mission consiste à faire respecter à la lettre les prescrits de la loi. La loi d’avant l’occupation s’entend. Ce jury compte douze membres. Il a été composé en tout hâte, mais avec le souci d’ouverture. Il comprend des femmes et deux « Musulmans » libres penseurs.





(à suivre:Délibération du jury ) François WAHA

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