Introduire deux lignes dans la législation interdisant de « diffamer » une religion peut paraître anodin à des esprits superficiels, alors que c’est une atteinte grave au principe de la liberté d’expression, qui est le fondement d’une société libérale (au sens philosophique du terme) et démocratique. Les religions monothéistes –judaïsme, catholicisme, islamisme – ont une vision hiérarchique et théocratique de la société. Elles exigent un respect absolu, au nom de LA vérité révélée à leur prophète, et s’arrogent le droit et se font un devoir d’édicter une série d’interdits qui imposent –à TOUS les citoyens, pas seulement à leurs adeptes - l’obéissance et la soumission. Elles sont, de nature, intolérantes La vision libérale de la société est fondée sur un principe égalitaire. Elle laisse à chaque individu, homme et femme, autant de liberté que le permet la vie en commun. Elle est tolérante de nature.
L’intelligence
Que vient faire là-dedans la liberté d’expression ? Mais tout simplement qu’elle garantit l’épanouissement de l’intelligence individuelle et collective. L’individu a le droit d’exprimer ses idées librement et sans crainte. Chacun pouvant faire de même, les idées s’entrechoquent pour donner la lumière…du phare. La société bénéficie de cette attitude de recherche et de réflexion. A contrario, dès qu’on détient LA vérité absolue, on n’a plus besoin de réflexion ni de recherche : tout est dans le Livre, baptisé de « sacré ». De là, l’éternelle lutte entre l’Eglise et la communauté scientifique. De là, l’imposition du respect qu’on est prié d’avoir pour la communauté religieuse qui dispense LA vérité et déclare « sacré » ce qui peut servir à asseoir son autorité. Faut-il rappeler qu’au 18ème siècle –ce qui n’est pas si lointain – le jeune chevalier de la Barre a été torturé et ensuite décapité pour avoir refusé de se découvrir au passage d’une procession qui véhiculait des objets du culte, « sacrés ». Le catholicisme était religion d’Etat et imposait ses normes à tous les sujets de sa Majesté le roi !
Une brèche
C’est à cette intolérance – là qu’on risque de nous ramener assez vite par la limitation à la liberté d’expression. Il suffit de se remémorer les menaces de mort proférées à l’endroit de caricaturistes danois , habitués jusqu’ici à s’exprimer en joyeux iconoclastes, parce qu’ils se moquaient du « sacré » prophète. Et, souvenons-nous que ce sont les représentants de la communauté juive qui ont ouvert la première brèche dans la liberté d’expression en faisant condamner ceux qui niaient ou minimisaient la tragédie des camps d’extermination. On peut comprendre l’indignation explosive de gens qui ont perdu tant des leurs, à l’entente de certains propos. Mais, la preuve est là : la limitation de la liberté d’exprimer, même des sottises ou des contre-vérités évidentes, n’est pas la réponse adéquate.
Ceci dit, la religion n’est pas une personne : on ne peut donc lui porter préjudice. Et celui ou celle qui refuse qu’on s’oppose à ses idées par la contrainte de la loi, avoue ce faisant deux choses : 1° sa peur de la confrontation 2° son intolérance en n’admettant que SA vérité.
Interdits, interdits…
Enfin, pour qu’on la respecte, sans y être obligé(e), il faut que la religion soit respectable. Une religion qui insulte continuellement les non-croyants et souhaite leur élimination physique ne me paraît pas digne de respect. Ajoutons encore que cette malencontreuse acceptation de « protéger » une religion contre la critique assimilée à de la diffamation, est le chemin ouvert à des intrusions légales ultérieures dans la vie privée : interdiction d’avoir des relations homosexuelles, des relations hétérosexuelles hors mariage, de boire une quelconque boisson alcoolisée, de sortir non accompagnée pour une femme, de reproduire le visage humain, de lire des livres « interdits », etc. …etc….
Voilà ce que l’Europe va perdre en cédant une fois de plus aux exigences de religions aux visées totalitaires. Ce qui se joue est un combat titanesque dont le citoyen lambda, qu’il soit autochtone ou immigré n’a pas connaissance. Il est vrai que les médias font silence à propos d’un problème qui les concerne portant au premier chef, étant donné qu’il touche nécessairement à la liberté de la Presse….fondement de la démocratie.
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MAX