La Convention européenne des Droits de l'Homme peut-elle être bradée?

Un de nos correspondants nous transmet l'appel à diffusion du message suivant:

"Je vous prie de trouver ci-après un texte sous signature collective proposée en Carte blanche aux quotidiens Le Soir et La Libre et que l'actualité politique actuelle empêchent de publier. Le décès tout récent du premier signataire, mon vieil ami Daniel Ducarme, ne permet pas d'attendre une hypothétique parution par la presse. Merci donc de diffuser largement ce texte auquel Daniel Ducarme était particulièrement attaché."

Le 25 mars dernier, le Conseil des Droits de l'Homme de l'ONU a adopté un projet de protocole international présenté par les pays membres de l'Organisation de la Conférence Islamique (OCI). Cette organisation, qui a son siège en Arabie saoudite, réunit 57 pays musulmans dont la Turquie, un membre du Conseil de l'Europe. Ce nouveau protocole international tend à criminaliser la diffamation des religions et à censurer toute information susceptible de desservir l'islam. L'Union européenne a pris position contre ces velléités liberticides ainsi que, plus fermement, les Etats-Unis. La récente résolution 1743 du 23 juin 2010 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe consacre également ce concept dans le vocabulaire de cette organisation internationale.

La diffamation des religions est une aberration consistant à confondre objet et sujet de droit. Ainsi, la religion est désormais assimilée à un être juridique. Diffamer implique une atteinte portée à l'honneur. Or, une chose n'a pas d'état d'âme: ni honneur, ni déshonneur. En réalité, la diffamation des religions n'est qu'un mécanisme de censure instauré sous prétexte de prescrit divin. Cette revendication n'est pas neuve. La résolution du Conseil des Droits de l'Homme n'est pas surgie de nulle part. C'est lors de la conférence de Durban I, en septembre 2001, que ce processus a débuté, dans le cadre des Nations Unies. Depuis près de dix ans, au nom du dialogue, les chancelleries occidentales vont de reculades en reculades. Au-delà du discours, le fait est que les Occidentaux n'ont qu'une stratégie défensive, voire pas de stratégie du tout. Au Conseil des Droits de l'Homme, la France a exprimé la position de l'Union européenne en déclarant que cette dernière «reconnaît l'existence de préoccupations légitimes» et se disant «clairement disposée à s'engager dans un dialogue constructif avec l'Organisation de la Conférence islamique». L'Union européenne a donc assorti son timide refus d'un appel au dialogue, alors que les faits ont démontré que ce dialogue est illusoire, quand on se place systématiquement sur le terrain de l'adversaire. Naturellement, mieux vaut la paix que la guerre et la concorde plutôt que la discorde, mais les évidences in abstracto impliquent-elles un aveuglement face aux évidences in concreto ? Il n'est pas judicieux de présenter sempiternellement un profil bas alors que les revendications outrancières n'évoluent qu'en s'amplifiant. Une ferme, et rapide, reprise en main s'impose afin d'inverser ce processus pernicieux. Si le délit de diffamation des religions aboutissait, les Etats occidentaux auraient ipso facto l'obligation d'adapter leurs législations. Cela paraissait invraisemblable, voici quelques années, c'est devenu une réalité possible aujourd'hui. La carence de volonté politique a ouvert un boulevard aux exigences les plus folles.

N'ayant pas rencontré de véritable opposition, les Etats musulmans ont pu tisser un réseau de soutien. Leurs prétentions liberticides dépassent largement le concept, lui-même hautement discutable, de diffamation des religions. En substance, il s'agit, d'une part, d'obtenir la censure de toute information les desservant, y compris en matière de terrorisme. Il en découlera que les terroristes pourront invoquer l'islam pour justifier leurs actes tandis qu'il serait interdit de prendre des mesures contre-terroristes tirant les conséquences de cette orientation idéologique. D'autre part, le protocole international envisagé qualifie les populations établies dans les pays occidentaux non pas par leurs nationalités actuelles mais sur base de leurs origines ethniques: «descendants d'Africains», «descendants d'Arabes», etc. Ils sont, de ce fait, ipso facto rattachés définitivement aux Etats d'origine, au mépris de leur citoyenneté au sein des Etats hôtes de l'immigration ; même s'ils sont de la génération qui y est née.

Il va sans dire que l'on n'évoque nulle part le respect à reconnaître, où que ce soit dans le monde, aux «descendants d'Européens», aux «descendants d'Américains» ou aux «descendants d'Australiens». Les Etats occidentaux y voient leur fonction réduite à celle de structures d'octrois de services, à leur charge évidemment, pour favoriser la pratique de la religion. Parallèlement, ce que les Etats de la Conférence islamique visent à établir, c'est que la fonction de juger les situations soit dévolue au Comité pour l'Elimination de la Discrimination raciale; avec comme corolaire, que toute opposition à l'islam serait constitutive de racisme. Les Etats récalcitrants y seront alors attraits et condamnés.

Il en va des exigences outrancières des Etats musulmans comme des prétentions analogues émanant des communautés musulmanes en Europe. Considérant le monde sous le prisme de La Mecque, les manouvres traduisent la volonté de substituer d'autres valeurs à celles qui sont établies en Occident, en partant du principe que celles des bédouins du VIIème siècle constituent une référence cardinale. Les droits de l'Homme sont invoqués à tort et à travers, à l'appui des revendications des activistes. D'autres obscurantismes, chrétiens notamment, commencent à leur emboiter le pas, aux Etats-Unis notamment. C'est oublier que la Convention européenne des droits de l'Homme prohibe clairement les accommodements à leur égard. Son article 17 précise expressément qu'«aucune disposition ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues à ladite Convention». Autrement dit, pas de liberté pour les ennemis de la liberté.

Si les représentants des Etats occidentaux persistent dans leur attitude actuelle, le processus en cours aboutira à la disqualification de la Convention européenne des droits de l'Homme. Et ce en raison de la place qu'occupera, dans la hiérarchie des normes, la convention internationale initiée, le 25 mars 2010, par le Conseil des Droits de l'Homme de l'ONU à l'instigation des Etats islamiques. Chacune des dispositions de la Convention européenne des droits de l'Homme ne pourra plus être invoquée qu'à la condition sine qua non qu'elle ne soit pas contredite par un prescrit religieux.

Il nous appartient d'affirmer les valeurs qui fondent la démocratie, de les faire respecter, et d'être intraitables avec ceux qui escomptent les brader sous prétexte d'accommodements dits raisonnables. Les Européens ne sont pas les seuls en butte à ce courant obscurantiste: les laïques qui tentent d'émerger dans les Etats dits islamiques sont souvent décontenancés devant la passivité occidentale qui découle du politiquement correct, cet ersatz médiocre de l'esprit de tolérance. En Europe, c'est l'islam qui est en première ligne, mais toute concession à ses obscurantistes ouvre la voie à d'autres fondamentalistes. La démocratie est fondée sur un contrat social qui est le fruit de l'Histoire.

Celui-ci n'est ni à négocier ni à brader.

Texte collectif sous la signature de : Daniel Ducarme, Ministre d'Etat, Anne-Marie Lizin, ancienne présidente du Sénat, Patrick Moriau, Député-Bourgmestre PS, Claude Eerdekens, Député-Bourgmestre PS, Fatoumata Sidibé, Députée régionale FDF, Jacques Lemaire, professeur à l'ULB, Corentin de Salle, professeur de philosophie, Claude Javeau, professeur émérite de sociologie de l'ULB, Paul Damblon, journaliste, Chemsi Cheref-Khan, humaniste musulman, Luc Pire, Michel Graindorge, avocat, Marcel Cools, avocat, Philippe Chansay-Wilmotte, avocat, Claude Demelenne, journaliste, Aldo-Michel Mungo, Editeur

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